Petit scarabée [Ruby]

Je déteste cet endroit.
La station de métro d'East Row, quelle place pourrie, sérieusement. Je ne comprends pas qu'a Liberty City ce genre de lieu existe encore. L'Espoir n'est pas la mairie, c'est vrai. Mais des fois, je me dis que tout nos pouvoirs devraient servir à autre chose que la guerre. Non, nous ne sommes pas inutiles ! Enfin, pas eux... Bref. Leurs pouvoirs pourraient servir à la reconstruction des quartiers les plus pauvres, à sauver des gamins de la vente de la drogue, ce genre de choses. Où à sortir les gosses de la prostitution, car East Row est connue pour ça essentiellement. Les mômes n'y sont pas toujours majeures et c'est tout ce qui fait l'attrait pour les cinglés malsains qui hantent les quartiers de la ville. Vous me demanderez sûrement pourquoi bien qu'on le sache, l'Espoir n'y fasse rien ? Parce que personne n'a le courage de démonter les réseaux qu'on sait de toutes façons reliés à la Crime Corporation, qui rétablira de toutes façons le système à un moment où à un autre. Alors les Super laissent ça à la police, feignant de ne pas savoir ce qui se trame là.

Ca me fait mal de savoir ça et de le constater. Une fois la tête dans les nuages ont en oublie les problèmes plus terre-à-terre. Peut-être est ce la ma punition ? J'en sais rien, mais alors que je descends les marches poisseuses de boues et de crasse pour descendre vers les rames je me rappelle que c'est ici que j'ai rencontré Amara. Kyle Macross l'a vue, Sentinel Prime l'a sauvée. Une pour cent autres, mais au moins une. Si j'ai accepté le rendez-vous qu'elle m'a filé, c'est parce que 1) j'avais raté une paire de rencontres en civil 2) elle m'avait menacé de m'exploser les dents de devants et mon sourire de star hollywoodienne. Pourquoi East Row ? Je n'en sais rien. Sans mes pouvoirs, je pourrais me faire égorger dix fois avant même d'approcher la station et elle le sait. Heureusement que je n'ai croisé personne, d'ailleurs...

Et voila, je marche dans le hall carrelé, vide et dégueulasse. Le tactac de ma béquille résonne sur le sol qui est jonché d'immondices et de vieux journaux, de capotes forcément usagées et d'autres accesoires tout aussi exotiques. J'entends même ce qui doit être un type qui s'envoie une des filles. Et merde... Pourquoi ça me fait penser qu'il y a quelques temps, c'était Amara qui se faisait ba...
Un bruit me fait sursauter et je me retourne vivement pour me retrouver nez à nez avec trois blacks énormes, du genre buildings vivants équipés de bling-bling de gangs. Je vois... Les patrons d'une fille où deux. L'un des types pose sur mon épaule une main qui me semble énorme et dont la pression me fait vaciller. Merde, il y a seulement deux ans il se serait brisé les doigts tout seul. Je n'ai plus de pouvoirs, mais je ne compte pas baisser mon froc. Alors tandis qu'il me parle, mon regard ne tremble pas plus que moi.

- Tu compte payer, cousin ? T'as d'la thune au moins ? Parce que le culs d'mes filles coûtent cher, cousin. Mais bon, j'avoue qu't'a l'air d'un petit bourg', toi... Allez, allonge la monnaie, et je te ferais pas tourner le cul chez mes copains les pédés.

Le con, il appuie sur mon épaule et ca me fait mal ! Moi, je serre furieusement ma béquille, préparant un coup bien placé malgré ma mauvaise jambe mais ses potes doivent sentir venir le coup puisqu'ils s'approchent et que l'un d'eux saisit l'ustensile, manquant de me faire tomber.

- La thune, Blanche-neige.

Et son poing atteri dans ma mâchoire, m'envoyant valser sur le sol.

Une seule question me torturait l'esprit, en fait.
Qu'est ce qu'un balai pouvait bien foutre là ? Ca resterait pour moi un de ces grands mystères inéluctable comme "pourquoi la tartine tombe toujours du côté de la confiture" où "pourquoi les jolies filles sont toujours avec des mecs plus moches que nous". Enfin, avant que mon esprit ne tente de répondre à la question ô combien cruciale du balai, il avait à gerer d'autres problèmes plus urgents.
Alors que je me demandais comment j'allais faire pour me débarasser de mes trois nouveaux meilleurs amis, celui qui semblait être le patron du groupe se retourna et se plia en deux dans un petit cri de douleur étouffé. Ses potes cherchèrent bien à le défendre mais n'en fîrent rien, jugeant préférable de ne pas aller provoquer la furie au balai (le fameux balai, oui) qui avait rapidement allongé leur boss. Ils emportèrent le lourdeau alors que je cherchais à tâtons ma béquille, le balai volant sur le sol alors qu'une main charitable se tendait dans ma direction.

"Accroche toi à moi."

Mince, je n'avais pas l'habitude de voir Ruby aussi.. Douce. Elle qui venait d'étaler un type qui semblait faire quatre fois son gabarit jouait les douceurs sucrées avec moi. Mince, j'avais peut-être l'air encore moins bien en point que je ne le pensais, finalement. En souriant, je lui saisi tout de même la paluche, y tapant un peu la mienne alors que je prenais appui sur ma béquille pour me lever t andis qu'elle me demandait comment je trouvais l'endroit. L'humour des enfants-soldats, sûrement.

- Très mignon, et cosy. Bon, la déco est franchement à chier mais la vue sur la mer est trés sympa.

Je l'embrassais dans le cou, comme j'avais pris l'habitude de le faire depuis la fois où elle m'avait laissé le faire. Sûrement une de ces fois où je lui avais fait du chantage au sentiment... Où une fois où j'avais survécu aux accès de colère qu'elle avait parfois quand je me montrais trop proche. Une fois, elle avait même parlé de me castrer alors qu'elle avait une de ses griffes juste sur ma... mon... Enfin... Bref !

- Les souvenirs ne sont pas désagréables, puisque tu es dedans. Pour le reste, ce n'est pas exactement ma définition d'un rendez-vous romantique. Mais c'est drôle, je suis sûr que c'est pas pour ça que tu m'a contacté, hein ?

Amara avait disparu quelques temps après le D-Day et je savais trés bien que personne ne la retrouverait si elle ne le désirait pas. Je lui en avais d'abord voulu, puis j'avais accepté le fait qu'elle décide de s'éclipser. Elle avait sûrement ses raisons d'agir ainsi et si j'étais son ami il me fallait l'accepter. Mais recevoir son e-mail pour me dire de la rejoindre à East Row m'avait fait énormément plaisir, en dépit du fait du quartier pourri.
Je lui lançais un regard pétillant de joie... Puis la prit dans mes bras.

- Tu m'a manqué, tu sais ? Tu va bien, au moins ?

La relâchant au bout de quelques instant, je repris appui sur ma béquille et désignait la sortie du regard.

- Si tu me disais pourquoi tu m'a demandé de venir jusque ici le temps que tu m'escorte dehors ?

Bien qu'habitué à Ruby, j''étais toujours surpris de la voir un geste de tendresse envers autrui. Pas qu'elle avait un coeur de pierre où des sentiments frôlant le zéro absolu, mais la guerrière qu'elle était n'avait pas pour habitude d'être réellement démonstrative, même avec moi. Oh, je savais que j'étais un privilégié à ses yeux et que je pouvais me permettre plus que la plupart du commun des mortels, mais la sentir venir poser son visage contre mon cou me fît un curieux effet. J'ouvris d'abord des yeux ronds, avant de sourire pour moi-même quand elle m'avoua que je lui avais également manqué. C'était toujours plaisant à entendre, ce genre de choses, surtout lorsque c'était partagé.
Je la laissais s'écarter de moi tandis que son regard et ses mots s'interessèrent à ma jambe blessée.

- Mieux. Je peux plier un peu le genou sans chialer, c'est un progrès.

Ma voix était amère, oui. Mon handicap restait un sujet douloureux même deux ans après l'avoir "perdue" et je n'aimais pas aborder le sujet, c'était pour ça que j'avais cherché à partir rapidement, plus pour parler d'autre chose que pour réellement fuir l'endroit (quoique ça m'arrangeais pas mal aussi, dans l'idée). Nous nous dirigeames donc vers la sortie tandis qu'elle évoquait mon impatience.

- T'en fais pas, je sais prendre mon temps quand il faut.

Un sourire en coin pour accompagner un sous-entendu forcément salace qui résonna vaguement dans la rue qui s'ouvrait à nous, notre marche tranquille rythmée par le "toc toc" mou de ma béquille sur le macadam. Je laissais Amara mener la danse, ignorant jusqu'a ce moment pourquoi la guerrière m'avait fait venir à East Row, avant qu'elle ne me parle d'hibernation. Ah, on y était, alors. Une où deux personnes m'avaient déjà tenu ce discours sans réellement insister et je soupsonnais ma compagne du soir d'avoir élaborer quelque chose d'un peu plus punchy que les méthodes molles qu'on m'avait soumises par le passé. Bref, ça ne sentait pas bon et la vue du hangar désaffecté me conforta dans mon idée alors que je remerciais le grincement de la porte qui couvrit le bruit de la salive que j'avalais, peu rassuré.
Nous pénétrâmes dans l'entrepôt et je subissais les reproches d'Amara en grimaçant un peu. Même l'argument de mes pouvoirs, elle me l'avait démonté avant que je n'ai le temps d'en placer une ! P'tite peste.
Je chassais sa main d'une petite claque, considérant que ma brioche me rendait déjà assez coupable pour ne pas en profiter en me la soulignant.

- Non mais arrête ! Je ne vis pas avec mes regrets, juste avec ma brioche ! Les nanas adorent, crois moi !

Mon air outré suffisait il à me rendre crédible ? J'en doutais, puisque je n'y croyais pas moi-même, du moins pas autant que je l'aurais voulu. Lui tournant le dos, je me décidais à regarder l'intérieur du hangar, cherchant plus à trouver des arguments valables dans les nuages de poussière qu'a réellement m'interesser à l'endroit.

- "Sentinel Prime" n'est plus utile et tu le sais comme moi. Les copains de l'Espoir font du bon boulot depuis deux ans. Regarde ma soeur, où Sentinel ! Tu veux que je te dise ? Mes pouvoirs m'ont servi parfaitement jusqu'au moment où le monde n'a plus eu besoin de moi. C'est le lot des héros... Quand ce monde n'aura plus besoin de nous, il ne le fera savoir. J'ai été le premier à utiliser mes pouvoirs pour le bien du plus grand nombre, c'est normal que je les perde en premier.

Je soupirais longuement, cette fois tellement convaincu par mes propres propos que j'en avais mal à l'âme. Sur ma béquille, mon poing se serra jusqu'a ce que les jointures de ma main en blanchisse et que je ne me mette à trembler de frustration, la tête baissée.

- Un acteur qui reste en scène alors que son rôle est terminé n'a pas d'amour-propre, Ruby.

[Je t'avais déjà dis que j'aimais les gros mots ? ]

Prendre un bouillon, c'est toujours un peu dur.
Le prendre d'une gosse que vous avez d'une certaine façon élevée, ça l'est encore plus et ça fout la haine. Je laisse parler Amara sans rien ajouter à ses mots qui font mal parce qu'ils ne sont que le reflet de la dure vérité, celle qui baigne ma vie depuis deux ans maintenant, depuis que je me suis fais étaler "héroiquement" sous les poings monumentaux d'Arkantos et que j'en ai réchappé par un coup du sort. Bien sûr que je la regrette, cette vie partie en fumée ! Comment prétendre le contraire ? J'avais tout pour moi, tout ! J'étais célèbre, je défendais mes idéaux, je fréquentais des femmes superbes et j'étais aimé. Aujourd'hui, je suis banal en plus d'être inutile et ça j'ai du mal à l'avaler. Ma comparse le sait tout autant qu'elle le sent et elle s'évertue à frapper là où ça fait mal, comme la bonne tueuse qu'elle a été. A cet instant précis, je crois que je la déteste et que j'ai envie de la faire valdinguer à travers le hangar en lui collant un direct en travers de la machoîre. Mais j'en suis incapable, raison de ma présence dans cette pièce poussièreuse et sale.
Ce qui est gênant dans tout ça, c'est de m'apercevoir que plus que le fait de pouvoir sauver le monde, c'est de ne plus être "Sentinel Prime" qui me dérange réellement. "Kyle Macross" ne tient pas la comparaison à côté de son alter-égo, ce qui est franchement désolant. Et si... Si les gens autour de moi en venaient à se sentir aussi écrasés ? J'ai une pensée pour ma soeur avant de la chasser rapidement. Féline est une héroïne à part entière et n'a rien à m'envier.

Elle la boucle, sûrement pour me laisser lui répondre. Mais je n'ai rien pour me justifier et je me contente de serrer les poings et la machoîre, accablé par le juste déballage qui m'est gracieusement offert par Ruby. D'après elle, quelque chose se prépare, un truc qui semble sévèrement sentir la merde. Bah, Sentinel et les autres pourront gérer.
Prédatrice, Amara ne lâche pas sa proie une fois qu'elle la tient et me le prouve en venant coller sa tronche à la mienne si près que lorsqu'elle me parle, j'en sens presque ses lèvres frôler les miennes.

" De toute façon je ne te laisse pas le choix. La Crime Corp' est entrain de devenir plus puissante que jamais, alors tu vas pas me saouler. Tes potes de l'Espoir ne se rendront pas compte de leur faiblesse tant que le mal ne sera pas sous leur nez. Et j'aimerais éviter ça. Alors merde, faut que tu bouge ton putain de cul Kyle ! Et fissa ! "

La gamine me lâche ça avant d'aller poser son cul sur un bidon, me laissant seul avec moi-même. Et je vous jure que l'espace de cinq minutes, ce n'est pas seulement une façon de parler. Pendant ce laps de temps, je me sens hors du monde, baigné dans le silence de mes pensées. L'Espoir. La Crime Corporation. Lilith. Moi.
Le souvenir d'une petite fille dont je pleure la mort, incapable d'avoir pû la sauver des griffes de Lilith alors qu'elle était mon amie et ma promesse devant les fleurs de sa tombe. J'avais pro... Non, j'avais juré que je tuerais Lilith de mes mains un jour en guise de repentir, de pardon pour mon impuissance. Je m'étais toujours évertué à tenter de tenir parole mais je l'avais oublié après le Doom's Day et ma chute. Ca tombe tellement sous le sens : sans Sentinel Prime, ma promesse ne sera jamais honorée. Lilith courra toujours tant que JE ne l'arrêterais pas, parce qu'elle est à moi et à personne d'autre.
Et effectivement si je reste à rien faire, rien ne bougera.

Autour de la poignée de ma béquille, mon étreinte se dessere finalement et je l'abandonne tout en laissant l'objet reposer contre ma jambe alors que je déboutonne ma veste pour m'en débarasser d'un mouvement d'épaules. Tranquillement, je retrousse les manches de mon sweat-shirt avant de reprendre la béquille en main... Pour la tendre vers Amara comme si c'était la pointe d'un sabre. Lentement, je tourne un peu la tête pour qu'elle voit mon profil légèrement baigné d'ombre.

- Je vais te botter le cul tellement fort, Ruby, qu'on va le voir rougir jusque sur Mars.

"Fuuuiiiiiit !" La béquille fend l'air dans un arc de cercle un peu grossier que je dessine dans sa direction du mieux que je le peux en pivotant sur ma jambe morte, visant la tempe d'Amara sans hésiter un instant. Pas ce genre d'attaque qu'il l'inquiétera, mais j'ai besoin de me défouler et je sais que sans mes pouvoirs et face à une adversaire de son niveau, je vais pouvoir me lâcher comme il faut.